Chaque fin d’année, c’est la même attente : quelle couleur va dicter nos décos, nos envies, nos humeurs visuelles ?
Pantone, Benjamin Moore, WGSN, PPG… chacun y va de son interprétation chromatique du monde.
Mais cette année, disons-le franchement, les annonces couleur 2026 ont un parfum particulier. On a quelque chose de plus brut, plus révélateur, presque psychanalytique.
Il faut savoir que les couleurs qu’ils sont annoncées, parlent d’un collectif mondial, c’est vraiment le reflet de l’inconscient, de ce qui se joue d’un point de vue économique, social, culturel, politique et cette couleur vient cristalliser les tensions, les désirs ou les dynamiques d’une époque.
Et 2026… est une année qui parle fort.
Allez, c’est parti pour le tour d’horizon des tendances couleur 2026.
Benjamin Moore avec Silhouette AF-655 : le gris chaud qui dit “on s’accroche mais on s’épuise”
Cette année, Benjamin Moore dévoile Silhouette AF-655. Un gris chaud, plutôt doux. Mais qui reste… un gris.

On peut lui reconnaître une certaine élégance, certes. Pourtant impossible de ne pas sentir la fatigue qui s’y glisse. Le gris porte en lui cette symbolique particulière des périodes où l’on avance en mode automatique : tête dans le guidon, responsabilités en cascade, horizon un peu bouché.
Psychologiquement, le gris est la couleur de la rétractation, de la prudence, du recentrage.
Il protège, mais il entrave.
Il calme, mais il assombrit.
Symboliquement, c’est une couleur de transition : on ne sait pas encore ce qu’on veut, mais on sait ce qu’on n’a plus la force de supporter.
On est très loin d’une couleur expansive ou joyeuse.
Et d’une certaine manière, ce gris-là reflète parfaitement l’ambiance collective : éprouvée, essoufflée, encore incapable de se projeter.
WGSN avec Transformative Teal : le contre-pied qui reconnecte au vivant
WGSN prend le contrepied complet pour la couleur 2026 avec son “Transformative Teal”, un bleu-vert dense, saturé, enveloppant.

Ici, on est loin du repli du gris… On touche quelque chose de plus viscéral, naturel, porfond.
Psychologiquement, le bleu est la couleur du ralentissement, du retour au souffle. Le vert, lui, est celui de l’équilibre, du lien vivant entre nous et notre environnement.
Leur mariage donne une couleur introspective, profonde, presque méditative. Pour moi, elle évoque les forêts tropicales, les abysses marins,…
Elle revendique ce dont notre époque manque le plus : du calme, de la cohérence, du vivant. C’est probablement la couleur la plus “thérapeutique” de la sélection. Celle qui aide à s’arrêter et se retrouver quand tout autour semble flou.
PPG avec Secret Safari : le jaune-vert qui secoue et remet debout
Chez PPG, l’histoire prend encore une autre direction : “Secret Safari”, un jaune-vert sombre et assumé.

Cette teinte combine le jaune : symbole de vitalité, d’optimisme, d’expression personnelle, et le vert, ancré dans la guérison et la résilience. Voiic ce qu’ils en disent chez PPG : “Elle évoque une sensation de calme à la lumière naturelle et révèle une profondeur nuancée dans les environnements ombragés ou peu éclairés, ce qui en fait un choix polyvalent pour les intérieurs résidentiels et les espaces commerciaux.”
Le résultat est une couleur qui ne cherche pas à être sage, qui questionne… Elle vibre.
Symboliquement, c’est la couleur qui dit : « On a traversé la tempête, maintenant on reprend les rênes. » Elle porte quelque chose de presque initiatique : un désir de s’affirmer sans se renier, de montrer qui l’on devient, pas seulement qui l’on était.
Pantone avec Cloud Dancer, un blanc qui fait débat… et qui dit plus de choses qu’on ne le croit
Avant même de parler couleur, il faut rappeler le rôle de Pantone.
C’est la référence mondiale dans la standardisation des couleurs, l’entreprise qui permet aux designers, décorateurs, architectes, imprimeurs, graphistes du monde entier de parler la même langue chromatique.
Une sorte d’alphabet universel de la couleur, reconnu dans l’industrie depuis les années 60. C’est pour cela que leur “couleur de l’année” est toujours autant scrutée : elle reflète un climat culturel, social et émotionnel.
Pour la couleur 2026, Pantone a choisi “Cloud Dancer”, un blanc chaud, légèrement poudré. Et soyons honnêtes : ce choix a dérouté beaucoup de spécialistes, coloristes compris car le blanc, comme le noir, n’est théoriquement pas une couleur.
Le débat est donc légitime.

Symboliquement, le blanc est dense : page blanche, ouverture, possible… et fragilité
Le blanc porte une symbolique forte : la page blanche, la pureté, le recommencement, la clarté, le vide.
En Feng Shui, c’est un Yang actif, une énergie qui éclaire, qui pousse à la transparence, à la révélation.
Dit comme ça, on comprend Pantone : 2025 est une année de clôture (année 9 en numérologie), une année de transition, une année où on aspire peut-être à effacer ce qui a saturé nos esprits ces dernières années.
Mais le blanc, c’est aussi autre chose.
Parce qu’en réalité, cela fait 40 ans que nos environnements se décolorent
Depuis quatre décennies, nos villes, nos voitures, nos intérieurs, nos vêtements… se dépigmentent doucement.
On a progressivement glissé vers un univers uniformisé, aplati, neutralisé.
Les gris, les blancs, les beiges règnent en maîtres.
Et tout cela raconte quelque chose : une société qui cherche la sécurité, la neutralité, la conformité.
Comme si l’on nous disait : « Ne dépassez pas. Ne dérangez pas. Faites pareil que les autres. »
Ce glissement vers le monochrome, c’est aussi une forme de dépolitisation du goût :
moins d’affirmation, moins de risques, moins d’identité. Un monde sans aspérités, sans éclat, sans contraste.
Et oui, c’est quelque chose qui peut, très concrètement, peser sur le moral.
Un environnement décoloré est un environnement où les émotions s’émoussent.
Et pourtant, le blanc n’est pas “mauvais”… il est juste incomplet
Il y a un paradoxe : en design, le blanc est précieux. Il amplifie la lumière. Il met en valeur les formes, les matières, les reliefs. Il crée du calme, de la respiration, de la structure.
C’est une magnifique couleur-support. Un espace blanc peut être méditatif, lumineux, apaisant.
Mais le blanc reste froid.
Le blanc est un point de départ, mais pas un point d’arrivée.
Ce que ce choix dit, finalement
Pantone semble vouloir évoquer un “reset”, un geste symbolique : « On fait table rase, on respire, on redémarre. »
Mais il faut aussi entendre ce que ce blanc risque d’entretenir malgré lui : une normalisation esthétique déjà très présente, une peur de la couleur, une difficulté à réinvestir ce qui fait notre singularité.
Pour s’ouvrir vraiment, pour se réinventer, on a besoin de couleurs, pas seulement d’un vide.
Les couleurs donnent du courage, donnent du rythme, donnent du relief.
Elles permettent de dire : « Voici qui je deviens. Et je l’assume. »
Alors… que nous racontent ces couleurs pour 2025 ?
En les regardant ensemble, un récit apparaît très clairement : Benjamin Moore montre la fatigue et la confusion. Pantone propose une page blanche… mais un peu brute. WGSN ramène la profondeur et le soin. PPG appelle la transformation, le renouveau.
2026 n’est pas une année flashy, euphorique ou légère. C’est une année qui se prépare. Nous quittons un cycle. Nous nous préparons à un autre. Et la couleur, encore une fois, raconte ce que nos mots n’arrivent pas toujours à exprimer.
Alors convaincu.e par ces couleurs ?
